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Message  Admin Ven 08 Fév 2008, 18:07

Plume de lecteur : Les nouveaux défis de la gouvernance de Kouyaté
06 Feb, 2008

Il ne convient plus de préciser les conditions qui ont présidé à la nomination de Lansana Kouyaté et de son gouvernement. Rappelons brièvement que le vent du changement avait touché même le dernier paysan du village le plus reculé du pays avec l’appui d’une médiatisation inédite, locale et internationale. Des accords dits tripartites avaient scellé la fin du tumulte qui avait embrasé (le terme n’est pas lourd) le pays. Centrales syndicales, patronat et présidence de la République s’étaient entendus sur le respect d’un certain nombre de principes.

Le Président de la République avait été invité à nommer un Premier ministre, Chef de gouvernement doté de larges pouvoirs. Pour conférer au document toute ” son authenticité ”, une institution internationale a imprimé toute sa marque : c’est sous l’égide de l’ancien président nigérian, le général Babangida et de Mohamed Ibn Chambas représentant la CEDEAO que les Guinéens ont mis terme à ce qui aurait pu devenir une ” Révolution ”. Toutes les parties ont été contentées car le Président a répondu favorablement, à son corps défendant peut-être, aux exigences qui lui ont été soumises. Il a été nommé un Premier ministre, Chef du gouvernement dit de consensus dont les attributions et pouvoirs ont été solennellement présentés.

Seulement voilà, après onze mois de gouvernance, M. Kouyaté et son gouvernement se rendent compte des limites, malheureusement nuisibles, des clés de l’accord. Pour reprendre les termes d’une représentante aux assises de négociation le 09 janvier dernier, les accords de janvier 2007 portaient en eux-mêmes les germes d’une crise consécutive. Entre autres, il était indiqué que le ” Premier Ministre a pour charge de proposer des nominations au Président ” ou encore ” Il [le PM] nomme aux emplois civils. ” Aux yeux d’un néophyte sur les questions juridiques, le PM disposerait ainsi de beaucoup de pouvoirs. Or, ces termes sont porteurs d’épines.
En effet, dans la fièvre de sortie de crise, les syndicats et la société civile qui défendaient les intérêts de la population ne se sont pas souciés de peser tous les mots soumis pour signature. En se référant à une approximation consignée dans le protocole comme les deux éléments mis précédemment en relief, on peut déduire que, par endroit, le Président, en raison de ses appréhensions ou humeurs, est en droit de refuser des propositions que lui feraient le PM. Plus grave, il n’a pas été précisé exactement comment le PM peut signer des actes. Est-il à même d’émettre des décrets étant donné qu’un arrêté ne saurait annuler un décret ?

Le décret du 05 décembre a sapé sérieusement l’autorité du PM. Il stipulait entre autres que le contrôle de l’action gouvernementale revient au Secrétaire général de la Présidence , la Banque centrale à la Présidence. Face à une telle cacophonie, la thèse la plus élémentaire, dans une perspective de changement, consisterait à demander la démission au PM. Pire, le message de vœux du nouvel an concocté par la Présidence (Président et clan) a représenté la goutte d’eau… Par responsabilité ou par goût pour l’administration, le PM a clamé sur les ondes de radios étrangères qu’il ” n’a pas démissionné et qu’il n’a pas l’intention de démissionner, à moins que le Président ne le démette ”. A mon avis, cet effort de rassurer un public qui n’est plus forcément acquis à sa cause n’a pas beaucoup de sens. Il en était de même pour les ardeurs des centrales syndicales d’organiser mordicus une grève à la date du 10 janvier dernier. Où étaient ces centrales lorsque le PM s’est désolidarisé d’elles en agissant sans être de concert avec ses mandants ? Sur quelle sonnette les syndicats ont-ils tiré quand ils ont compris que le Gouvernement dit de consensus n’était pas expéditif pour diligenter l’enquête sur les actes ignobles de janvier et février 2007 ? Ou plus simplement, comment ont-ils géré le retard dans la mise en place de la structure des départements ministériels ? Leurs arguments du mot d’ordre de grève lancé le 04 janvier n’ont donc pas été éloquents aux yeux des esprits critiques.

Cela dit, on ne peut pas récuser la volonté des syndicats de participer à l’élan de développement du pays. Plus que les partis politiques, mieux que le barreau, les syndicats ont été le véritable artisan du vaste mouvement de contestation en Guinée, de la création de l’esprit de vindicte et de courage populaires. C’est pourquoi, toute option de construction d’une démocratie saine à l’échelle de la Guinée se doit de faire participer les structures syndicales.
Les différents évènements qui ont failli faire intervenir une nouvelle crise en ce début d’année 2008 ont été préparés progressivement par le PM, consciemment ou non. L’heure n’est pas à dresser le bilan de la gouvernance durant les onze (11) mois écoulés. Par contre, il n’est pas superflu de démasquer quelques erreurs stratégiques que le PM a minimisées. Cette identification nous aiderait à ne pas nous ” brûler deux fois au même feu ”.
Dans la présente réflexion, nous dénombrerons six (6) erreurs que nous jugeons être les plus notoires :

1). Le PM a eu peu à gagner à donner de la confiance aux anciens caciques du Régime mais encore très proches de la Présidence. Ceux-là auraient dû être inquiétés très tôt et se seraient égosillés à se défendre auprès de la justice plutôt qu’à tramer de basses manœuvres, des perfidies ou des coups fourrés sur le dos du gouvernement actuel. On comprend mal pourquoi les résultats des audits qui ne se limitent malheureusement qu’à deux années de gestion continuent toujours à dormir au Ministère de tutelle. Tous les fauteurs auraient dû répondre de leurs actes bien que l’opération ne représente pas une chasse aux sorcières. Une précision tout de même : les guinéens doivent être informés de tous les mécanismes et procédures de gestion des départements soumis à l’exercice.

2). Le PM a tôt fait de convaincre le Président de la République qu’il était venu pour se soumettre, pour entériner la démarche qui lui était dictée par ce dernier. Fidèle à son raide caractère de soldat, le Président s’est plu à ne signer les décrets qu’à l’heure et aux circonstances voulues par lui-même. Il s’est écoulé neuf mois pour que le décret de restructuration soit signé avec un contenu alambiqué en plus.

3). Venu en sauveur de la nation afin (entre autres) de débusquer les prédateurs de l’économie, M. Kouyaté a pris goût à afficher des airs de dignitaire aggravé en cela par une gestion dispendieuse des affaires courantes. Délégation compacte en visite ininterrompue dans les cinq coins du monde, vols spéciaux pour diriger des missions, parrain par excellence d’une ONG dont les sources de revenu restent très obscures, bon samaritain dans les mosquées et autres lieux de cérémonies, cautionnement des dépenses mirobolantes (budget CAN 2008 : 59 milliards de francs guinéens !!!) représentent quelques sports favoris du Messie.

4). Un autre aspect très gênant réside dans le caractère de duplicité du PM dans la gestion politique. Au plus fort de la crise au sommet de l’Etat, la gouvernance de M. Kouyaté s’est empressée de critiquer ouvertement, à la télé nationale, le décret du 05 décembre qui, juridiquement, représente ” une turpitude ” selon le Professeur Albert Bourgi, tant est ” insensé ” son contenu. C’est avec beaucoup d’étonnement que les Guinéens ont constaté la référence à ce très controversé décret par le PM lorsqu’il intimait le 15 janvier dernier le Ministère du Commerce à concéder la privatisation de certains hôtels à des Libyens. De cet acte de dernière minute, on peut dire ceci : ou bien M. Justin Morel a parlé en son propre nom pour jeter l’opprobre sur les auteurs du décret ; ce qui lui aurait valu un abject sacrifice, ou bien le PM se moque de la population, des centrales syndicales et de tous ceux-là qui l’ont encensé à un moment donné. Cela est d’autant plus justifié que sa signature de cet arrêté est intervenue après le désamorçage de l’avis de grève générale du 10 janvier 2008.

5). Où en est l’enquête sur les odieux événements de juin 2006 et de janvier-février 2007 ? Mettre en place une commission nationale d’enquête sur de sales coups afin de tester la capacité des nationaux à exécuter de telles missions est salutaire. Cependant, signer un simple arrêté comportant les noms des membres de la commission sans conviction réelle, sous-tendue par une simple volonté d’apaiser le climat social me semble suicidaire. Nommé à la faveur des soubresauts ayant entraîné le meurtre avilissant d’un nombre incalculable de jeunes innocents, le PM aurait plutôt pris le devant pour donner un sens fort à cette phrase qu’il prononce à tout bout de champ ” ceux qui sont morts ne sont pas morts pour rien ”. A la date du jour, cette phraséologie ne tient plus le coup tant sont maigres les ambitions du gouvernement d’établir toute la lumière sur les atrocités commises.

6). Une autre limite à la gestion des affaires par le PM porte sur sa difficulté à honorer les engagements qu’il a pris en toutes occasions et en tous endroits. Or, pour aussi longtemps qu’on ne lui fait aucune promesse, le peuple peut rester calme. Mais sitôt qu’il apprend qu’il bénéficiera de tel ou de tel appui, il devient impatient. M. Kouyaté n’était pas obligé d’affirmer qu’il améliorerait la desserte en eau et en électricité après cent (100) jours de gouvernance alors qu’il n’en avait pas toutes les preuves. La pression ne devrait pas le pousser non plus à affirmer que la Guinée aurait reçu les 100 bus avant la fin de 2007. Son séjour à l’intérieur a été ponctué de promesses tous azimuts. Qu’est-ce qui est advenu aujourd’hui de tous ces engagements ? Que dalle ! L’approche a vraiment manqué… On conclut sur ce sujet en soutenant que la plus grande in suffisance de M. Kouyaté est de n’être pas parvenu à imposer une allure à sa gouvernance par laquelle on aurait pu le juger, du moins positivement. Un gouvernement est à l’image de son chef ; le nôtre souffre d’une insuffisance de personnalité soutenue.

Où trouver la voie du salut à court terme ?
Les chemins sont nombreux mais en général hérissés en raison de la division nette des Guinéens sur leur ” chose publique ”, de l’intérêt cancéreux d’une frange minoritaire à revendre le pays à tous prix et enfin de l’attitude, on ne peut plus, désobligeante du Président de la République à se scotcher au pouvoir. On ne sous-estimera pas non plus le caractère aveuglant de certains compatriotes qui priorisent l’aspect clanique en tirant la couverture sur eux ou sur un des leurs haut placé dans les sphères de décision.

De ce qui précède, on comprend qu’une importante partie de nos blocages est tributaire des termes de notre constitution. Cette dernière, certainement taillée sur mesure, accorde un pouvoir fort au Président de la République en faisant de notre système un régime présidentiel. Elle annihile donc le poste de Premier Ministre. Sa révision de 2001 est venue cancériser la gouvernance par le maintien à vie à la Présidence de tout candidat qui y est ou y serait. Les deux seules personnes autorisées à apporter aujourd’hui un quelconque changement à ces termes demeurent malheureusement le Président de la République et l’Assemblée nationale. Or, le premier ne tire aucun avantage (bien au contraire d’ailleurs) à modifier la constitution. Il ne le pourra même pas quand on sait quelle est l’opacité malsaine qui gît à son alentour. La seconde, périmée depuis juin 2007, ne représente plus que l’ombre d’elle-même. Elle a, très peu de fois, réussi à apporter des modifications de fond aux budgets que les ministres ont défendus au Parlement. La formule la plus courante a été ” Je n’ai pas de question ; je vous félicite et vous encourage”.

Les mauvaises langues ont soutenu la thèse de corruption. N’ayant pas de preuve, je ne m’en mêle pas. Dans le meilleur des cas, c’est-à-dire, si l’assemblée décidait de réviser la constitution, ce serait encore à l’avantage du Président de la République car celui-ci est le Président du parti majoritaire au Parlement. Qu’on se le tienne pour dit sans détours : les accords signés en janvier 2007 et en janvier 2008 ne représentent qu’un subterfuge de sortie de crise. On a beau signer des accords entre société civile, centrales syndicales, institutions républicaines et Présidence de la République , ces signatures seront de zéro effet lorsque la Constitution se réveille et s’affirme. Jusqu’à preuve du contraire, nous restons et demeurons régis par notre Loi fondamentale qui dans ses articles 39 et suivants reste très claire. Le Président est le Président ; toute autre délégation du pouvoir ne proviendrait que de son accord, libre. Qu’on cesse de blâmer le Général Président qui est convaincu qu’il n’exécute que les attributions lui étant conférées par la Constitution. Sur une autoroute, le décret, si pressé soit-il, attend que la constitution passe. Que le Président se dédise dans ses propos ou faits ne doit point étonner. Surtout qu’il est l’auteur de la formule dans une de nos langues ” ma voix n’est pas une montagne ” Il ne sert donc pas à rafistoler des accords qui ont peu de fondements juridiques, constitutionnels.

Cela dit, on a un moyen de l’emporter afin de prendre part vigoureusement aux destinées de la Nation. Les prochaines élections législatives représentent à mon avis le plus gros test pour l’ère Kouyaté en tant que Chef du gouvernement. Nettement plus que l’acquisition d’un programme formel auprès du FMI, plus avantageuse qu’une amélioration de la desserte en eau et en électricité dans la capitale, plus bénéfique qu’une confiance re-créée auprès des investisseurs, meilleure à une stabilité continue de la monnaie locale face aux devises étrangères, l’organisation des prochaines élections demeure un tournant décisif dans notre histoire des prochaines années. Toutefois, sa réussite ne peut se cantonner à de beaux discours, flagorneurs. Tous les discours devront être ponctués par des actes incontestés. La CENI déjà mise en place doit bénéficier du soutien de tous en particulier de la Société civile, des centrales syndicales et des partis politiques. Ces derniers ont tout à gagner en rangeant dans leurs sacoches leurs inimitiés jusqu’au terme des législatives. En tous les cas, si les malversations l’emportent, c’est la renaissance du statu quo et même de la dégringolade par rapport à la période d’avant-grève 2006. Les nouveaux élus excelleront en magouille et en veulerie, renforceront leur pouvoir aux dépens de la population. Par contre, et on l’espère, en cas d’élections transparentes, libres et justes (la distinction n’est pas gratuite), on peut s’attendre à assainir la gouvernance avant 2010, organiser une présidentielle équitable en cette année-là.

De là, naîtra une nouvelle Guinée qui se chargera de réconcilier toutes les entités ethniques et religieuses en faisant un devoir de mémoire sincère, qui amorcera l’ère du développement social et économique, qui bâtira une démocratie saine et enfin qui saura tirer profit de ses nombreuses ressources lesquelles cesseront d’être des ” catastrophes naturelles ”.

Que Dieu bénisse la Guinée !

Par Mohamed Diaby, Sociologue

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